"Donnons-nous davantage de souplesse et de réactivité"

"Donnons-nous davantage de souplesse et de réactivité"
Pourquoi et comment faire évoluer l'organisation, à quel rythme, avec quelles conséquences ? Autant de questions auxquelles répond le secrétaire national Laurent Berger.
“Une CFDT proche des salariés, une organisation au service des adhérents et des militants ” : c’est le titre de la partie 3 de la résolution adoptée au congrès de Tours. Est-ce à dire que la CFDT ne répond pas à cette ambition aujourd’hui ?
Beaucoup de choses sont faites un peu partout dans la CFDT. Pour autant, il faut être lucide : dans son mode de fonctionnement, notre organisation peut se révéler trop statique, pas assez ouverte, et fait parfois l’impasse sur l’accompagnement des militants dans leur action syndicale au quotidien. Tel avait été le constat du rapport “ Le syndicalisme à un tournant… Oser le changement ! ”, dont l’analyse reste d’actualité. Le monde du travail a considérablement évolué, et notre schéma d’organisation et de pratiques doit s’adapter afin de parler à un plus grand nombre de salariés dans toute leur diversité : salariés des petites entreprises, jeunes, élus sans étiquette, etc. Pour ce faire, nous avons des forces énormes, à commencer par nos militants, sur lesquelles il faut nous appuyer pour combler nos faiblesses.
Quel est l’objectif ?
C’est de permettre à toute la CFDT d’être plus forte et plus efficace dans la proximité aux salariés, sa relation à ses adhérents, son rapport aux jeunes, sa politique de renouvellement des responsables. Tout cela suppose évidemment que les militants soient accompagnés dans leurs pratiques quotidiennes, y compris sur le développement, et à l’aise avec les positionnements de la CFDT. L’idée, c’est donc de partir de cet objectif que nous nous sommes fixé à Tours pour faire. Dans cette optique, nous avons identifié six chantiers d’évolution ( lire ci-dessous ), dont quatre vont faire l’objet d’expérimentations.
Pourquoi ce choix des expérimentations ?
Essentiellement parce que si nous savons où nous voulons aller, nous n’avons pas de recette miracle. Il aurait été dangereux pour la richesse de la CFDT de vouloir définir un modèle unique de pratiques syndicales, de relations aux salariés, adhérents et militants. En fonction du degré de structuration du syndicat, du maillage territorial de l’interprofessionnel, de l’identité de la fédération, les réponses seront différentes. Expérimenter, c’est se donner la possibilité de tester des choses… qui peuvent d’ailleurs ne pas fonctionner. Expérimenter, c’est se donner le droit à l’erreur. L’enjeu, c’est de construire, à partir d’une impulsion confédérale, une dynamique collective en mettant au point les expérimentations ensemble.
Expérimenter, cela suppose quand même de savoir d’où l’on part ?
Oui. Le premier chantier consiste à partir de l’existant, à regarder ce que nous – sections, syndicats, unions régionales, fédérations, Confédération – faisons. C’est une phase d’introspection vis-à-vis de nos pratiques et de notre fonctionnement. Il ne s’agit pas de faire une autocritique ou de se jeter des fleurs – mais plutôt de partir de la réalité de chacun d’entre nous, de voir ce qui fonctionne plus ou moins bien, de s’interroger sur ce qui peut être amélioré pour essayer d’évoluer concrètement. Regardons les freins et menons des actions concrètes afin de répondre à nos objectifs.
Quel rôle joue l’assemblée générale de 2012 dans ce processus ?
L’AG des syndicats de mi-mandat ne se veut pas un rendez-vous décisionnel. Ce sera l’occasion de faire un point d’étape avant d’engager la dynamique du congrès de 2014. En clair, l’AG de 2012 permettra de faire une première analyse de l’évolution des différents chantiers pour préparer le congrès de 2014 et tirer les conclusions sur ce que nous voulons faire évoluer dans l’organisation. C’est un processus qui se poursuivra donc bien au-delà de 2014. Mais le rendez-vous de 2012 nous incite à lancer ces chantiers rapidement.
Ni bouleversement ni statu quo, donc, mais on constate des appréhensions, ici et là…
Il ne s’agit pas d’une rupture. Ce qui est en jeu, c’est la capacité d’évolution d’une organisation comme la CFDT, qui a toujours su évoluer avec son temps. Acceptons d’être un peu bousculés dans nos pratiques et nos fonctionnements, à tous les niveaux. Pour chacun de nous, c’est aussi l’opportunité de mieux travailler ensemble en sortant de nos prés carrés. Personne ne veut mettre l’organisation en difficulté. L’important, c’est que les choses soient faites. Il faut juste se faire confiance pour apporter davantage de souplesse et de réactivité à notre organisation.
Des moyens sont-ils prévus à cet effet ?
La question des moyens se pose, mais suppose déjà de savoir ce que nous voulons faire. Il faut par ailleurs distinguer les moyens humains – qui nécessiteront de prioriser l’investissement des militants sur les différents dossiers – des moyens financiers. À ce sujet, la Confédération a prévu de cofinancer les expérimentations avec les organisations volontaires. Quant aux éventuels changements, à terme, ce sera au congrès d’en décider.
Ces chantiers d’évolution viennent s’ajouter à une activité déjà chargée pour les militants et responsables CFDT.
Oui, mais il ne s’agit pas de faire des choses en plus ; c’est une autre manière de faire. Nous voulons faire évoluer nos pratiques en les inscrivant davantage dans nos priorités revendicatives, avec toujours le même leitmotiv : mettre l’individu au centre de nos préoccupations, de nos pratiques et de notre organisation. Cela vaut pour le salarié, l’adhérent, le militant. Prenons le chantier Agir sur le travail : l’enquête qui va être menée va contribuer à construire du revendicatif sur la base des attentes des salariés tout en étant un formidable outil de proximité. Faire évoluer l’organisation, c’est donc avant tout la mise en cohérence de nos pratiques avec notre actualité revendicative.
À quelle aune mesurera-t-on la réussite de cette évolution ?
Là où des expérimentations sont lancées ( soutien et accompagnement des militants, service à l’adhérent, proximité aux salariés, renouvellement générationnel et diversité ), la réussite se mesurera à la satisfaction des personnes ciblées : a-t-on répondu à leurs besoins, leurs attentes ? C’est le critère déterminant. Pour le reste, des indicateurs seront construits sur chacun des dossiers. Au final, ce sont les syndicats qui seront amenés à évaluer la réussite de l’évolution de l’organisation, en 2012, mais surtout en 2014.
Propos recueillis par Aurélie Seigne
Six chantiers pour oser le changement
3. Services aux adhérents 4. Place des syndicats, rôle des structures 5. Renouvellement, féminisation, diversité des responsables 6. Information et communication |
Photo : chambrenoire.com